Les activités de pré-écoute et de pré-lecture

Anticiper le contenu d’un document, c’est l’aborder alors même que nous n’avons pas commencé à le lire, à l’écouter ou à le visionner.

Qu’il s’agisse d’un document audio, vidéo ou textuel, les activités de pré-écoute, pré-lecture ou bien même de pré-projection, l’anticipation peut s’avérer utile afin d’aider les élèves à construire des stratégies de compréhension plutôt que de les laisser se baser froidement sur le mot à mot de ce qu’ils comprennent.

Prelistening activities help students tune in to what they’re going to hear. These are essential – otherwise, students are just listening ‘cold’, which can be very discouraging. Post-listening activities help students structure what they have heard and exercise their memories in the L2. So, like a lot of teachers, I usually think of listening practice as having three phases: pre-listening, while listening, and post-listening.”

– Teaching and Researching Listening (M. Rost)

Rost divise donc l’entraînement à la compréhension de l’oral en trois parties : la pré-écoute, l’écoute et l’après écoute. Ainsi, on amène les élèves à se préparer à une certaine thématique : ils se mouillent le cou avant le grand plongeon. (il fallait bien une partie moins sérieuse à ce stade de la lecture). Enfin, les activités qui suivront l’écoute viendront structurer les informations récoltées durant la pré-écoute et l’écoute.

J. Evrard (2018) plussoie avec ce qui est dit plus haut et ajoute que cela “va de soi qu’une activité de compréhension orale se met en place sur un terrain préparé, et doit, à un niveau intermédiaire, travailler sur un lexique abordé en amont (mais pas abordé directement avant la vidéo) et portant sur un sujet familier de l’auditeur.”.

Le CECRL nous amène aussi à cette conclusion. Il est indiqué que les hypothèses sont la base de la compréhension. En effet, lors d’une conversation par exemple, celui qui écoute et qui veut comprendre l’autre va mobiliser toutes ses connaissances sur le sujet pour se baser sur ce qu’il entend. Par exemple, si le sujet est l’environnement, la personne qui écoute va aller ouvrir tous les tiroirs de sa mémoire afin d’aller glaner tout ce qu’il connait de ce sujet sur un plan culturel et lexical. Il pourra donc non seulement mieux comprendre et définir le sujet traité mais, également dans certains cas, prévoir ce qui va être dit par la suite.

Dans cet article, je voulais donc vous proposer quelques idées d’activités que je mène en classe mais également vous apporter le fruit de mes recherches.

Je ne dis pas que ce que je vais vous proposer sont des formules magiques qui remédieront à tous les « je ne comprends rien madame / monsieur » ou les « de toute façon, je suis nul en langues » mais cela pourra aider certains apprenants à construire des stratégies durables et à mieux comprendre comment aborder un texte lorsqu’ils seront en autonomie.

L’utilité d’un tel rituel est qu’il permet de mobiliser des structures dans la vie de tous les jours. En effet, l’élève va devoir utiliser du vocabulaire qu’il connait et s’il ne le connait pas il va pouvoir le demander “How do you say?”. Des structures telles que “There is / There are” ou bien “I can see” seront utiles ainsi que des prépositions telles que “on”, “below”… Enfin, le présent continu pourra également être utilisé afin de décrire ce qu’il se passe sue le document iconographique.

1.a Projeter une image simple

On projette l’image et on récolte les réactions des élèves. Ils ont souvent plein de choses à dire. Ainsi, on pourra utiliser des peintures, des photos, des couvertures de livre, …

Saint George and the Dragon (Paolo Uccello)

J’ai utilisé ce document au sein d’une séquence sur les dragons dans la culture anglophone. Cela a permis de préparer le terrain à l’histoire de la compréhension de l’oral.

Dans notre exemple, les élèves ont pu créer des énoncés tels que : “There is a princess on the left”, “There is a dragon in the middle” ou bien “On the right, the knight is attacking the dragon”. Tout cela a permis de mobiliser du vocabulaire qui sera utile lors de la compréhension orale.

1.b Le puzzle

Dans l’exemple ci-dessous, Isabelle Beaubreuil a utilisé le puzzle pour faire connaître la séquence à ses élèves. Cela a permis de couvrir les différents documents que les élèves rencontreront ou non dans la séquence. Cela permet aux élèves d’ouvrir tous les tiroirs de leur esprit qui concernent la ville de Londres.

1.c Prédictions

Dans leur dossier AP – Mettre les élèves en activité en compréhension de l’oral (2017), Caroline Alban et Laurence Graulière propose un concept intéressant.

En effet, elles proposent de projeter plusieurs images en lien avec le document audio puis elles distribuent un tableau qui va permettre aux élèves d’émettre des hypothèses sur les mots qu’ils vont entendre et sur les thèmes abordés : 

Par exemple, ici les élèves ont vu quatre images différentes : un sandwich, des sucreries, un homme qui cuisine et qui rigole avec un enfant et une assiette.

Dans l’exemple ci-dessus, l’élève pense que la compréhension orale portera sur la nourriture saine, la malbouffe ainsi que sur la famille. Si ses prédictions sont bonnes, il cochera alors la case en face des thématiques.

À droite, l’élève peut mettre tout le vocabulaire qu’il souhaite en lien avec les thématiques écrites à gauche. Il pourra ensuite souligner ou cocher les mots qu’il entendra effectivement dans le document.

J’aime beaucoup le côté ludique de cette activité qui est quasiment de l’ordre de l’enquête.

2. Anticiper par la vidéo

La vidéo est un medium intéressant, l’élève doit certes tendre l’oreille mais peut également se baser sur ce qu’il voit pour mieux comprendre. Un court extrait vidéo va permettre de pouvoir poser l’histoire abordée dans la compréhension écrite ou orale. En effet, elle va permettre de poser le décor, le contexte, pourquoi pas les personnages et l’intrigue générale.

2.a La bande-annonce

Il m’est arrivé quelques fois d’utiliser des bande-annonces afin que les élèves comprennent bien le contexte général dans lequel s’inscrit l’extrait écrit, audio ou vidéo abordé dans la séance.

Dans une séquence sur la dystopie, il m’est par exemple arrivé de projeter la bande-annonce de Ready Player One avant de leur faire lire un passage. Cela a permis aux élèves de poser des questions sur le vocabulaire, mais également sur l’histoire générale. 

J’ai par ailleurs utilisé la bande-annonce de la série Dr Jekyll and M. Hyde afin que les élèves puissent situer l’histoire par rapport au passage abordé (dans la séquence, il s’agissait de la lettre écrite par Jekyll).

2.b Le booktube ou le booktrailer

Le booktube est un format vidéo dans lequel une personne qui a lu un livre le présente. Ainsi, nous sera présenté l’intrigue, les personnages, l’environnement dans lequel les personnages interagissent et enfin une critique. Cela peut être un format intéressant avant d’attaquer la compréhension de l’écrit.

Enfin, j’ai découvert le principe des book trailers dans le E for English. 

Je vous conseille d’aller sur la page Youtube de Penguin Teen sur laquelle vous trouverez de nombreux book trailers. Le book trailer utilise les mêmes mécanismes que la bande-annonce pour film.

Les book trailers permettent également de poser l’histoire et de venir à la rencontre des personnages. En cela, il s’agit d’un support très intéressant qui permettra aux élèves de rentrer dans l’intrigue. On pourra demander aux élèves de prendre des petites notes lors du visionnage et ensuite de faire une mise en commun.

Par ailleurs, le book trailer pourrait être une idée assez originale de projet final.

3. Anticiper par l'écrit

Il sera possible de passer par l’écrit afin d’anticiper un document. Mais comment me direz-vous ?

3.a Le nuage de mots

Il s’agit d’un classique en son genre. On projette le titre du document et les élèves vont venir créer des branches autour de celui-ci. Le but est assez simple : émettre un maximum d’hypothèses puis voir si ces hypothèses sont affirmées ou non lors de la phase de lecture ou d’écoute. Cette phase est intéressante car active, les élèves peuvent se déplacer s’ils le souhaitent.

Lors de la phase d’écoute (car le plus souvent, cette activité est utilisée avant une écoute), les élèves confirment ou non la présence des mots qui auront été mis au tableau.

Dans une séquence sur les pirates, j’ai par exemple écrit au tableau “Life on board”. Les élèves ont ensuite commencé à me donner un maximum d’éléments qui pourraient être présents dans l’audio que nous allions écouter. Nous avons ensuite entouré les mots que nous avions entendus et nous avons barré les autres.

3.b Anticiper le type de réponse attendu

J’ai beaucoup apprécié cette idée de Laurence Grauliere et Caroline Alban. Lors d’une évaluation, les élèves passent parfois à côté de la question parce qu’ils n’anticipent pas le type de réponse attendu. Elles proposent donc aux élèves de se poser dans un premier temps pour bien lire les questions et anticiper la nature de la réponse :

Conclusion : plutôt que de s’attendre à tout, les élèves peuvent déjà commencer à réduire le champ des réponses et ne partent ainsi pas de rien.

3.c Anticiper par le lexique

On rappelle bien entendu qu’il est important d’aborder un document quand on est sûr que les élèves sont prêts à recevoir (le fameux “se mouiller la nuque avant le grand plongeon”). 

Il peut être une bonne idée de travailler le lexique qui sera abordé dans le document. Cela nous permettra notamment de savoir si les élèves ont bien compris le vocabulaire et s’ils sont capables de les reconnaître en contexte (à l’oral).

“Les feuilles de mots-clefs, par exemple, risquent de nuire aux compétences d’interprétation globales si données pendant l’écoute. Les transcriptions ne doivent intervenir que dans des activités de post-écoute pour faire des repérages pertinents dans la chaîne parlée, jamais lors de l’écoute globale. On pourrait objecter que les apprenants ont souvent besoin d’un apport lexical pour accéder au sens, et cela est en effet le cas. Cependant, cet apport doit alors intervenir de façon privilégiée en amont lors des activités de pré-écoute. Il est en effet démontré que les activités de préparation à l’écoute sont cruciales dans le développement des compétences des apprenants. Les activités de pré-écoute permettent d’abord d’éviter l’écueil du support écrit lors de la phase d’écoute proprement dite, que ce soit sous la forme d’une liste de vocabulaire que les élèves vont découvrir en même temps que l’audio, ou d’autres formes de repérage formels de mots.” – J. Evrard (2018)

4. Par le jeu

Et pourquoi ne pas utiliser des formes ludiques afin d’anticiper le contenu d’un document ?

4.a Le bingo

C’est ce que propose Mrs Recht dans son article Compréhension écrite : conseils :

“Une variante notamment très chouette en compréhension orale (mais qui marche tout autant pour la compréhension écrite) est le bingo des mots. Faites tracer une grille de bingo de 3×3, 4×4 ou 5×5 à vos élèves sur leur cahier. Faites-leur noter dans chaque case un mot qu’ils pensent trouver dans le texte. Lors de la lecture, jouez au bingo ! C’est amusant, ludique et une nouvelle fois cela donne envie aux élèves de lire le texte.”

Vous qui savez que j’apprécie le jeu sous toutes ses formes, voilà une idée qui plait énormément ! Les élèves sont acteurs et deviennent enquêteurs.

4.b Une enquête

Isabelle Beaubreuil a eu cette merveilleuse idée d’enquête qui pourra être déclinée en fonction de vos objectifs et de votre thématique !

Le principe est simple, les différents groupes ont divers documents et ils doivent compléter une fiche avec les éléments récoltés. Cela fonctionnera très bien en début de séquence mais pourra trouver sa place avant d’aborder une compréhension de l’écrit ou l’oral complexe dans lequel on trouvera beaucoup d’éléments.

Ce genre d’activités met les élèves en action et permet de faire un vrai travail en amont de la lecture ou de l’écoute.

Je vous laisse découvrir les documents ici.

Bibliographie / Sitographie