La remédiation, c’est quoi au juste ? Comment fait-on pour mener cette remédiation ? D’ailleurs, on remédie à quoi ? Pour quoi faire ? Quand ? Bref, voici de nombreuses questions que je me suis posées et que je me pose encore et toujours et j’ai décidé d’ouvrir un article sur le sujet afin de partager avec vous mes modestes expériences !
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ToggleQu'est-ce que c'est la remédiation ?
Définition
Dans le Robert en ligne, on y retrouve cette définition simple et claire : “Dispositif pédagogique mis en place après évaluation de l’élève, pour combler des lacunes, corriger des apprentissages erronés.”.
Dans le livre Anthologie des textes clés en pédagogies (2022), des procédures de remédiation sont mentionnées. On y retrouvera par exemple : la question du temps, des explications supplémentaires, des nouveaux exemples afin que l’élève arrive à transférer un savoir mais dans un autre contexte ou bien encore un “meilleur entraînement”.
Pas une mais des remédiations
Selon Xavier Roegiers (2011), il existe 4 types de remédiation qui sont recensés dans ce tableau :
La remédiation instantanée
C’est celle que nous utilisons assez souvent car il s’agit d’une remédiation immédiate qui intervient lorsque l’on reprend un élève à l’oral ou à l’écrit sur une erreur commise “et répond aux besoins du groupe-cible dans la suite des apprentissages”.
La remédiation ciblée
Elle porte bien son nom : l’enseignant a repéré une erreur qui concerne le groupe classe et qui selon lui doit être corrigée car il s’agirait d’une “composante prioritaire des apprentissages”.
La remédiation systématisée
Il s’agit d’une remédiation qui est beaucoup plus suivie, des outils sont utilisés afin de suivre des élèves de manière systématisée. Généralement, des technologies rentrent dans le processus de remédiation dans le but de suivre de manière presque chirurgicale ces élèves.
La remédiation spécialisée
Dans ce cas, des spécialistes interviennent pour accompagner les élèves. Par ailleurs, Xavier Roegiers Chapitre 9. Penser et organiser la remédiation) indique 4 niveaux d’intervention (qui vont d’un objectif simple à des objectifs plus complexes).
Pourquoi et quand utiliser la remédiation ?
Accompagner tous les élèves
Les deux vont vraiment de pair, reprenons les bases fondamentales de la différenciation avec les postulats de R. W. Burns (1972), certes un peu vieillissants mais qui ne prennent pas de rides pour le plaisir de la métaphore filée :
il n’y a pas deux élèves qui progressent à la même vitesse
il n’y a pas deux élèves qui soient prêts à apprendre en même temps
il n’y a pas deux élèves qui utilisent les mêmes techniques d’étude
il n’y a pas deux élèves qui résolvent les problèmes de la même manière
il n’y a pas deux élèves qui possèdent le même répertoire de comportements
il n’y a pas deux élèves qui possèdent le même profil d’intérêt
il n’y a pas deux élèves qui soient motivés pour atteindre les mêmes buts.
À partir de ce postulat, la remédiation apparait comme un outil coup de pouce pour tenter d’accompagner chaque élève vers une progression individuelle ou collective. Tout comme la différenciation, la remédiation intervient en réponse à la diversité des élèves.
À quel moment ?
Comme dit Otis (Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre) : “Vous savez, moi je ne crois pas qu’il y ait de bonne ou de mauvaise situation.”. En effet, la remédiation peut intervenir à tout moment à partir d’un diagnostic posé par vous-même. Elle peut donc intervenir en début de séquence, pendant ou après, l’avantage de l’évaluation formative comme les mini-missions comme je les appelle, c’est que l’on peut cibler des objectifs pour chaque élève avant de passer à l’évaluation finale. Elle est tout aussi importante que l’évaluation diagnostique qui nous sert à faire un constat sur l’acquisition des connaissances des élèves. Dans tous les cas, la remédiation intervient après un constat.
Identifier les besoins des élèves
Comme il l’est dit dans Le Guide Pour l’enseignement du français Au Cycle primaire (2013) : “Pour qu’une action de remédiation puisse avoir des effets, il est essentiel d’avoir défini ce qu’on souhaite améliorer, l’objectif qu’on souhaite atteindre par cette action.”. Lors de la correction de copies ou d’oraux ou de toutes productions ou compréhensions évaluées, vous aurez alors une meilleure vision des compétences à un instant T de vos élèves. Il sera alors intéressant d’essayer de déterminer les erreurs qui sont de l’ordre du personnel, un élève a des besoins en particulier sur un sujet précis, ou de l’ordre du collectif, plusieurs élèves ont effectué la même erreur. Il s’agira alors de déterminer ce qui est important pour eux à ce moment-là de la séquence et de sélectionner ces erreurs.
Donner des objectifs personnalisés
Il semble important ici de dire que les retours personnalisés devraient toujours comporter un feedback positif. Le but est de changer le growth mindset, le fameux : “je n’ai fait que des erreurs, je n’y arriverai jamais.”.
Retours sur la copie
Il s’agit du retour classique sur la feuille avec :
- Un retour sur les éléments positifs
- Un retour sur les erreurs fréquentes
- Des objectifs pour tous les élèves : soit du renforcement si des erreurs sont récurrentes, soit de l’approfondissement afin que certains élèves puissent complexifier leurs productions.
Le numérique à votre service
MonOral.net a changé ma façon de faire des feedbacks personnalisés
Lors de Ludovia, l’été passé, je participe à un explorcamp de la fabuleuse Gaëlle Hallez sur les retours par oral via des QR codes. Je réfléchis quelques jours et décide de me concentrer sur les productions écrites principalement.
Points positifs
Vous imaginez, nous sommes dans une ère où il est possible de donner simultanément des conseils individuels à trente élèves en même temps, c’est fou non ? Chaque élève se voit attribué un QR code en début d’année et ils gardent celui-ci jusqu’à la fin. Le site MonOral.net me permet d’attribuer un QR code et de changer l’audio du QR code en cours d’année, ainsi pas de gâchis et pas de temps perdu à imprimer des planches et de découper à nouveau, c’est chouette non ? Attention, il ne faut surtout pas mettre de prénoms / noms sur le site.
Les élèves et les parents apprécient grandement ce système, il permet à chaque élève d’écouter les retours positifs, les erreurs qui se trouvent dans la copie et qui peuvent être évitées de telle ou telle manière ainsi que des objectifs pour la séance qui arrive. Qu’est-ce que je veux dire par là ?
Nous avons la chance d’être équipé en tablette, cela me permet de donner aux élèves quelques minutes pour écouter mes retours puis des objectifs qu’ils auront pour l’heure car la séance de remédiation fait directement suite à cette écoute. Ainsi, ils mettent du sens derrière les objectifs que je leur ai fixés. Ils peuvent par ailleurs revenir sur ce commentaire audio à la maison s’ils le souhaitent.
Points négatifs
Vous aurez beau entendre le contraire mais cela demande du temps même avec de la pratique. Après un an d’utilisation, je suis capable de dire que dans des moments où vous avez beaucoup de choses à faire, corriger les copies en plus de donner des retours personnalisés est très chronophage. Vers la fin de l’année, il m’était plus difficile de le faire mais je trouverais peut-être d’autres manières de faire ces retours oraux. En tout cas, avec la pratique, cela va tout de même plus vite. Il faut accepter aussi de s’enregistrer pour les élèves, ce qui n’est pas évident pour tout le monde.
Enfin, bien entendu, le point négatif est qu’il faut des tablettes ou que les élèves aient un téléphone portable pour écouter à la maison.
Quelles activités pour remédier suite à une évaluation ?
Repérer, comprendre, corriger
J’ai testé cette méthode il y a deux ans et j’ai retenté l’expérience l’an passé et les élèves aiment bien cette activité aux allures simples. Lorsque je corrige les évaluations, je note sur le côté des erreurs qui sont récurrentes sur plusieurs copies. Ensuite, je les hiérarchise en me posant la question suivante : est-ce une erreur qui se doit d’être repérée, comprise et corrigée par toutes et tous ou bien, s’agit-il d’erreurs personnelles ? Dans le second cas, je mentionnerais seulement la règle sur la copie de l’élève. Dans le premier cas, je créé une fiche que je distribue à tous les élèves :
Il s’agit d’une fiche qui ouvre la séance de remédiation et qui est composée ainsi : à gauche, les erreurs que j’ai repérées (j’essaie de créer des exemples plutôt que de reprendre les erreurs soulevées) et en dessous et à gauche, les règles. Les élèves sont, grâce à cette fiche, acteurs de leurs apprentissages puisqu’ils doivent être doublement actifs : nous lisons les règles ensemble puis ils doivent d’une part corriger les phrases et, d’autre part, retrouver la règle correspondante. Il s’agit d’une petite mise en bouche qui permet aux élèves de se positionner sur les connaissances acquises ou non et donc de pouvoir également cibler des objectifs pour le reste de la séance.
Grâce à cette méthode, les élèves ne font pas que repérer les erreurs, ils doivent comprendre pourquoi cela n’est pas acceptable au sens syntaxique ou grammatical puis la corriger.
Je souhaiterais pouvoir créditer la personne sur Instagram qui m’avait donné l’idée et, si elle se reconnait, je le ferai avec grand plaisir !
Ateliers tournants
Je ne vais pas écrire beaucoup sur ce sujet mais il s’agit tout de même d’activités que je fais très très souvent voire quasiment systématiquement. Je réfléchis dans un premier temps aux objectifs que je souhaite mettre au cœur de la séance de remédiation et alors là, deux situations peuvent émerger :
- J’ai ciblé 4 objectifs clairs suite au contrôle.
- Je souhaiterais, suite à un projet formatif par exemple et donc avant l’évaluation, que les élèves travaillent un peu de tout.
Dans le premier cas, je peux diviser la classe en deux, je fais donc 4 x 4 tables à gauche et 4×4 tables à droite et le groupe 1 va tourner sur les mêmes activités que le groupe 2 ce qui me permet d’être certain que tout le monde a effectué les mêmes activités :
Parmi ces activités, par exemple la grammaire, il m’arrive de faire des collections Learning Apps ou bien de préparer des activités de grammaire sur papier mais avec des niveaux progressifs du plus facile vers le plus dur. Pour le lexique, on commence par de l’appariement et ça finit par de la construction de phrases. Tout dépend de ma créativité et surtout de mon énergie 🙂
Dans l’autre cas, la classe entière va tourner, tous les élèves ne pourront pas effectuer toutes les activités mais la plupart seront accessibles en ligne à la maison s’ils le souhaitent :
Translation contests
J’en ai parlé beaucoup par le passé mais peut-être que cela est passé inaperçu, J’ADORE les translation contests et les élèves aiment aussi. Cela demande un peu de préparation en amont mais le concept est très simple. Sur une présentation (PPT, Impress, Genially), je prépare en amont trois niveaux progressifs.
Le premier niveau est souvent syntaxique (remettre dans l’ordre par exemple) 5 phrases environ mais je les fais apparaître au fur et à mesure.
Le second niveau implique un niveau de difficulté supplémentaire, par exemple, mettre les phrases au passé, mettre les phrases à la forme négatives, niveau de traduction simple (au présent par exemple).
Le dernier niveau est ce que je considère normalement comme étant le plus dur. Il s’agit de la traduction français vers anglais. Il faut que les élèves soient capables de mobiliser le lexique ainsi que les règles grammaticales abordées en classe.
Le jour J, les élèves sont armés de marqueurs et d’ardoises, je fais apparaître les phrases une par une et j’attribue les points en direct (moment de fun garantie). Les élèves se concentrent et sont bien impliqués dans la tâche, qu’importe le niveau, qu’importe la séquence.
Les premiers gagnent un point de plus (d’où le contest) que les autres. Voici quelques exemples :
Fiche de route
Là, on arrive sur mon terrain favori, celui de la remédiation autonome. Les élèves reçoivent une fiche de route qui est distribuée après l’écoute du retour audio (voir la partie sur le retour oral personnalisé sour forme de QR code).
Les activités sont disposées sur des tables et les élèves sont autonomes dans les tâches qu’ils effectuent et je tourne dans la classe. J’ai testé de rester au bureau pour corriger au fur et à mesure mais ça demande d’être sollicité tout le temps, il vaut mieux prévoir les corrections à disposition et faire confiance.
Comme je le disais plus haut, nous avons la chance d’avoir des tablettes donc il m’arrive de faire la forme très fainéante qui consiste en la recherche d’activités Wordwall, LearningApps ou autres afin que les élèves puissent s’entraîner en utilisant la tablette.
Repérer et corriger par soi-même
Cela fait un moment que je souhaite utiliser des codes d’erreur qui indiqueraient à l’élève le type d’erreur qu’il a commise afin qu’il puisse se corriger lui-même à l’aide du cahier. Cela peut paraitre utopique dans certains cas mais j’imagine bien un travail en binôme ou en groupe dans lequel les élèves pourraient aussi s’appuyer sur d’autres élèves afin de pouvoir se corriger. Dans cet exemple de Claudine Iung, les élèves repèrent les erreurs et ont une fiche qui leur permet d’aller plus loin encore puisqu’ils doivent lire l’erreur, retrouver le code de l’erreur (Est-ce une erreur de type syntaxique ? Est-ce le mot de liaison utilisé qui n’est pas le plus approprié ?) et la corriger :
Ce que j’apprécie, c’est de nouveau cette volonté de rendre l’élève acteur, de ne pas juste lui montrer l’erreur mais de la lui faire comprendre pour qu’il puisse l’éviter plus tard. In fine, l’objectif est de les rendre de plus en plus autonome et de faire de l’erreur un medium positif pour qu’ils s’améliorent.
Bibliographie et sitographie
-
Alexandre, D. (2022). Anthologie des textes clés en pédagogie : des idées pour enseigner.
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Iung, C. (2008), Évaluation et remédiation
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Roegiers, X. (2011). Chapitre 9. Penser et organiser la remédiation. Dans : X. Roegiers, Curricula et apprentissages au primaire et au secondaire: La Pédagogie de l’Intégration comme cadre de réflexion et d’action (pp. 257-266). Louvain-la-Neuve: De Boeck Supérieur.
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